C’est un petit reptile discret, mais il colonise lentement nos murs. Depuis les années 2000, on observe une remontée significative du gecko en France, notamment de la tarente de Maurétanie.
Originaire du pourtour méditerranéen, ce lézard nocturne s’est si bien adapté qu’il est aujourd’hui présent jusqu’à Bordeaux ou Lyon.
Ce phénomène n’est pas anodin : il dit beaucoup sur l’évolution de notre climat… et de notre biodiversité. Alors, que faut-il vraiment savoir sur ce gecko qui grimpe, siffle, et fascine ?
Un gecko bien installé dans le sud de la France
Présence historique de la tarente de Maurétanie
Le gecko le plus répandu en France est la Tarente de Maurétanie (Tarentola mauritanica), un reptile originaire d’Afrique du Nord qui s’est implanté dans le sud de la France depuis plusieurs décennies.
Son apparition sur le territoire métropolitain remonte probablement aux années 1950-1970, via des importations involontaires (marchandises, oliviers, pierres décoratives).
Aujourd’hui, il est solidement implanté dans toutes les régions méditerranéennes : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Languedoc, Corse… Il n’est pas rare de l’observer la nuit, collé à un mur ou au plafond, chassant les insectes attirés par la lumière.
Ce gecko a su tirer parti de l’habitat humain : murs chauds, interstices, jardins, terrasses… Il vit à nos côtés sans que beaucoup le remarquent.
Habitat et habitudes de vie dans le Midi
La tarente affectionne les zones rochers, murets, façades ensoleillées. C’est un reptile nocturne, discret le jour, très actif à la tombée de la nuit. On la reconnaît à son apparence rugueuse, ses yeux sans paupières, et ses pattes adhésives qui lui permettent de grimper aux surfaces verticales.
Elle ne creuse pas de terrier, mais se glisse dans les fentes, derrière les volets, sous les tuiles. Son habitat est principalement anthropisé : elle vit littéralement dans nos maisons du sud. On estime qu’un jardin méditerranéen classique peut abriter plusieurs individus.
Elle est sédentaire, fidèle à son territoire, et ne se montre que lorsque les températures dépassent 18 °C en soirée. En hiver, elle entre en léthargie partielle.
Le gecko remonte vers le nord grâce au réchauffement
Expansion géographique observée depuis 20 ans
C’est le fait majeur qui intrigue les scientifiques : depuis deux décennies, la tarente colonise peu à peu le nord de la France. Strasbourg, Bordeaux, Tours, Clermont-Ferrand… Des observations ponctuelles mais régulières sont enregistrées dans des départements où l’espèce était absente jusque-là.
En 2023, un spécimen a été identifié à Angers. En 2024, on en a recensé plusieurs en périphérie de Dijon. Ces données ne sont pas anecdotiques : elles montrent une tendance de fond, facilitée par les transports, mais surtout par les changements environnementaux.
On parle ici d’un suivi scientifique actif, avec l’appui d’associations naturalistes et de plateformes participatives comme Faune-France. Les cartes de répartition évoluent chaque année.
Impact du climat et rôle de l’urbanisation
La principale raison de cette progression est simple : le climat se réchauffe. Les hivers sont plus doux, les étés plus longs, et la température moyenne permet désormais à des espèces strictement thermophiles de survivre plus au nord.
Mais ce n’est pas tout : l’urbanisation joue un rôle d’autoroute climatique. Les villes, avec leurs bâtiments chauffés, leurs microclimats, et leur végétation ornementale, offrent un milieu propice aux reptiles. Les geckos y trouvent chaleur, cachettes et nourriture (moustiques, moucherons).
Le phénomène est d’autant plus marquant qu’il est invisible pour le grand public : le gecko est nocturne, silencieux, et ne laisse que peu de traces de sa présence.
Ce que mange un gecko en France
Un allié du jardin contre les moustiques
Le gecko est un prédateur nocturne très efficace, notamment contre les insectes volants. Il se nourrit principalement de moustiques, de moucherons, de papillons de nuit, et d’autres petites proies qu’il capture grâce à sa langue collante et à sa rapidité.
Dans un jardin méditerranéen, il peut consommer plusieurs dizaines d’insectes par nuit, ce qui en fait un allié naturel contre les nuisibles. Cette capacité le rend particulièrement apprécié des jardiniers soucieux d’éviter les traitements chimiques.
Sa présence régulière sur les murs près des lampadaires ou des fenêtres n’a rien d’un hasard : ces sources de lumière attirent les insectes… et donc les geckos.
Proies naturelles et alimentation en milieu urbain
En ville, la tarente de Maurétanie s’adapte très bien. Elle chasse sur les façades, les toitures, les parkings éclairés. Elle trouve ses proies dans les environnements humanisés, là où les insectes abondent : composts, caniveaux, jardins publics.
Elle se nourrit aussi de petits coléoptères, d’araignées, de grillons ou de larves, qu’elle détecte grâce à sa vue très développée et à ses vibrations. On estime qu’un gecko adulte consomme en moyenne 10 à 20 % de son poids par jour.
En captivité (où il est parfois élevé), son régime est similaire mais ajusté avec des grillons, vers de farine et suppléments minéraux. Cela confirme sa grande souplesse alimentaire.
Tarente ou lézard ? Différences à connaître
Morphologie et comportement spécifiques
Beaucoup de gens confondent les geckos avec d’autres lézards. Pourtant, plusieurs éléments permettent de les différencier :
- Le gecko a la peau rugueuse et granuleuse, contrairement aux lézards à peau lisse.
- Ses pattes sont dotées de ventouses, ce qui lui permet de grimper sur les surfaces verticales, voire au plafond.
- Il possède de grands yeux sans paupières, qu’il nettoie avec sa langue.
- Il pousse parfois un cri bref et sec, notamment en cas de stress ou lors des interactions avec ses congénères.
Enfin, contrairement au lézard des murailles, il est nocturne, sort au crépuscule et est très discret le jour.
Confusions fréquentes avec d’autres espèces
La confusion la plus fréquente concerne le lézard des murailles, présent dans toute la France. Celui-ci est plus élancé, actif en plein jour, et dépourvu de “ventouses”.
Autre confusion possible : le gecko turc (Hemidactylus turcicus), une espèce introduite également visible dans certaines régions, plus petit et translucide.
Mais c’est bien la tarente de Maurétanie qui est la plus répandue : corps trapu, couleur beige à gris foncé, mouvements lents, et allure de petit dinosaure miniature.
Le gecko est-il dangereux en France ?
Réponses aux peurs et idées reçues
Non, le gecko n’est pas dangereux. Il ne mord pas, ne pique pas, ne transmet pas de maladie connue à l’humain. C’est un animal totalement inoffensif, même s’il peut effrayer par surprise en surgissant sur un mur ou une terrasse.
La croyance selon laquelle il “grimpe sur les gens pendant leur sommeil” est infondée. Il évite activement les contacts et se sauve à la moindre vibration ou bruit.
Autre idée reçue : son cri serait un signal d’attaque. En réalité, ce cri est un moyen de communication entre geckos, surtout pendant la période de reproduction ou pour défendre un territoire.
Rôle écologique et interactions avec l’humain
Le gecko joue un rôle important dans l’écosystème urbain. Il régule naturellement la population d’insectes, sans pesticide ni intervention humaine. Sa présence indique souvent une bonne qualité de l’environnement (zones non traitées chimiquement, diversité d’insectes).
Certaines personnes installent même volontairement des “abris à geckos” pour encourager leur présence, notamment dans les jardins écologiques ou les maisons sans moustiquaires.
Si vous en croisez un chez vous, inutile de le chasser : il vous débarrasse discrètement des moustiques, et disparaîtra à l’automne sans faire de dégâts.
Conclusion
Discret mais bien présent, le gecko s’installe de plus en plus dans nos régions, porté par le climat et notre urbanisation croissante. Derrière son allure préhistorique se cache un précieux auxiliaire de la biodiversité urbaine.
Si vous avez la chance de l’observer, prenez le temps de l’admirer : il est le témoin silencieux des bouleversements que traverse notre environnement. Et surtout, il est bien plus utile qu’on ne le croit.