Myriapode : 7 vérités surprenantes sur ce maître des mille pattes

On les voit rarement, pourtant ils rampent juste sous nos pieds, dans les feuilles mortes ou les sous-bois humides. Les myriapodes – ces animaux aux dizaines, parfois centaines de pattes – intriguent autant qu’ils répugnent.

Et si l’on vous disait que derrière leurs petits segments articulés se cache un univers fascinant, peuplé de secrets méconnus ?

Avec plus de 12 000 espèces identifiées à ce jour, ces discrets arthropodes jouent un rôle fondamental dans nos écosystèmes. Oubliez le simple « mille-pattes » que vous avez peut-être écrasé dans votre cave. Voici 7 vérités étonnantes sur les myriapodes, ces maîtres discrets de la vie souterraine.

1. Les myriapodes ne sont pas tous des « mille-pattes »

Une grande diversité d’espèces

Le terme “myriapode” ne désigne pas une seule créature, mais un ensemble de plus de 12 000 espèces d’arthropodes terrestres, répartis en quatre classes distinctes :

  • Les chilopodes, comme la redoutable scolopendre, sont des prédateurs agiles, dotés d’une paire de pattes par segment et de crochets venimeux.
  • Les diplopodes, les plus communs dans nos jardins, possèdent deux paires de pattes par segment et se nourrissent de matière végétale en décomposition.
  • Les pauropodes et les symphyles, bien plus discrets, sont minuscules et vivent principalement dans le sol.

Ces classes présentent des morphologies et des comportements très variés, ce qui fait des myriapodes un groupe aussi complexe qu’essentiel dans l’univers des invertébrés terrestres.

Un nombre de pattes très variable

Contrairement à ce que leur nom laisse penser (du grec myria = « dix mille »), aucun myriapode ne possède réellement mille pattes. En réalité, le nombre de pattes varie énormément d’une espèce à l’autre. Certaines n’en ont qu’une vingtaine, d’autres dépassent les 400.

Le record absolu est détenu par Illacme plenipes, une espèce découverte en Californie : la femelle peut atteindre 750 pattes, un véritable exploit évolutif. Le corps de ces animaux est composé d’une succession de segments, chacun porteur de pattes, ce qui leur permet de se faufiler dans les moindres recoins du sol.

2. Ils vivent dans l’ombre et l’humidité

Un mode de vie discret mais essentiel

Vous ne croiserez que très rarement un myriapode en plein jour. Ces animaux sont strictement terrestres et majoritairement nocturnes.

Ils affectionnent les lieux sombres et humides : litière forestière, sous-bois, souches en décomposition, murs d’abris de jardin, ou tas de compost. Cette discrétion n’est pas anodine : elle les protège de la déshydratation et des prédateurs.

Mais ne vous y trompez pas : malgré leur discrétion, les myriapodes sont de puissants alliés écologiques. En consommant feuilles mortes, débris végétaux et micro-organismes, ils participent activement à la décomposition de la matière organique.

Ce rôle est capital pour le recyclage naturel des nutriments dans le sol.

Des conditions bien précises

Les myriapodes ne s’installent pas n’importe où. Ils ont besoin de conditions environnementales très spécifiques pour survivre :

  • Humidité constante : leur cuticule (peau) est fine et non imperméable, ce qui les rend très sensibles à la dessiccation.
  • Température modérée : ils fuient la lumière et la chaleur directe du soleil.
  • Substrat meuble : un sol riche en humus leur permet de creuser et de se dissimuler facilement.

Ces exigences expliquent leur absence des zones trop sèches ou trop urbanisées, et leur abondance dans les forêts tempérées, les prairies ou les jardins entretenus sans pesticides.

3. Certains sont inoffensifs… d’autres, redoutables

Des diplopodes pacifiques

La plupart des myriapodes que vous pouvez croiser dans un jardin ou une forêt sont diplopodes, souvent appelés à tort « mille-pattes ». Leur rôle est pacifique : ils se nourrissent de débris végétaux, contribuant à enrichir le sol.

Quand ils se sentent menacés, leur premier réflexe est de se rouler en spirale pour protéger leurs organes vitaux.

Pour se défendre, certains diplopodes sécrètent des substances chimiques répulsives : acide cyanhydrique, benzoquinones ou autres composés irritants. Ces sécrétions n’ont pas de danger pour l’humain, mais dissuadent efficacement leurs prédateurs, notamment les insectes ou petits mammifères.

Des chilopodes aux crochets venimeux

Les chilopodes, eux, sont d’un tout autre registre. Prédateurs actifs, ils possèdent deux crochets venimeux appelés forcipules, capables d’injecter une toxine à leurs proies. Ils chassent de petits insectes, des vers et parfois même d’autres arthropodes.

La scolopendre géante, présente dans certaines zones tropicales, peut infliger une morsure douloureuse à l’humain. En France, l’espèce la plus connue est Scolopendra cingulata, qui reste impressionnante mais rarement dangereuse.

Chez l’humain, une morsure provoque une douleur aiguë, comparable à celle d’une piqûre de guêpe, accompagnée de rougeur et d’un léger gonflement.

4. Ils jouent un rôle écologique fondamental

Des recycleurs naturels

Les myriapodes sont des maillons indispensables de la chaîne de décomposition. En se nourrissant de bois pourri, de champignons et de débris végétaux, ils fragmentent la matière organique, facilitant ensuite l’action des bactéries et champignons décomposeurs.

Leur activité contribue à l’aération du sol, à la libération des nutriments pour les plantes et à l’équilibre du microbiote du sol. Sans eux, la litière forestière s’accumulerait, freinant le renouvellement naturel de la matière vivante.

Une base alimentaire pour de nombreux prédateurs

Les myriapodes occupent aussi une place stratégique dans la chaîne alimentaire des écosystèmes terrestres. Ils sont une source de nourriture pour :

  • De nombreux oiseaux insectivores
  • Des amphibiens comme les crapauds
  • Des reptiles, notamment certaines couleuvres
  • Des petits mammifères fouisseurs, comme les musaraignes

Cette prédation contribue à maintenir leurs populations en équilibre tout en nourrissant un large panel d’espèces. En somme, les myriapodes sont à la fois consommateurs et consommés, jouant un rôle de pivot écologique.

5. Leur corps est une prouesse d’ingénierie naturelle

Une segmentation efficace

Le corps des myriapodes est composé de segments articulés, tous alignés les uns derrière les autres comme les wagons d’un train miniature. Chaque segment possède une ou deux paires de pattes, selon qu’il s’agit d’un chilopode ou d’un diplopode.

Cette structure leur permet une grande flexibilité et une robustesse surprenante, leur offrant une locomotion fluide même dans les terrains les plus encombrés : sous-bois, fissures du sol, tapis de mousse ou racines.

Un système de locomotion unique

Le déplacement des myriapodes est orchestré par des mouvements ondulatoires parfaitement coordonnés. Leurs pattes bougent en alternance selon une séquence précise, ce qui leur permet de se mouvoir lentement mais sûrement dans toutes les directions.

Ce mode de locomotion leur confère un équilibre remarquable même sur des surfaces irrégulières, et une capacité à grimper ou à se glisser dans les interstices que peu d’animaux possèdent.

C’est cette adaptabilité qui a permis aux myriapodes de coloniser une grande variété de micro-habitats terrestres depuis des centaines de millions d’années.

6. Leur reproduction cache des stratégies étonnantes

Parade et transmission du sperme

Chez les myriapodes, la reproduction adopte des méthodes parfois surprenantes. Dans de nombreuses espèces, il n’y a pas d’accouplement direct. Le mâle dépose un spermatophore (capsule contenant les spermatozoïdes) sur le sol, que la femelle récupère ensuite à l’aide de ses organes génitaux.

Certains mâles réalisent même une parade nuptiale, guidant la femelle jusqu’à la capsule à l’aide de mouvements du corps ou de phéromones. Cette stratégie limite les risques pour les deux partenaires, notamment chez les espèces agressives ou toxiques.

Œufs pondus dans des milieux abrités

Une fois fécondée, la femelle pond ses œufs dans un endroit humide, sombre et protégé, comme sous un tronc en décomposition ou au cœur d’un sol meuble. Le nombre d’œufs varie beaucoup selon les espèces : de quelques unités à plusieurs centaines.

La plupart des myriapodes présentent un développement direct, c’est-à-dire que les jeunes ressemblent à de petits adultes miniatures. Chez certaines espèces, notamment certains diplopodes, la mère protège ses œufs ou ses petits, ce qui est rare chez les arthropodes.

7. Des fossiles géants ont un jour dominé la Terre

L’Arthropleura : un géant du Carbonifère

Il y a environ 300 millions d’années, les forêts du Carbonifère étaient peuplées de myriapodes géants. Le plus impressionnant d’entre eux s’appelait Arthropleura, un diplopode fossile pouvant atteindre jusqu’à 2,6 mètres de long.

C’est l’un des plus grands arthropodes terrestres jamais découverts.

Doté d’un corps segmenté, de centaines de pattes et probablement dépourvu de mâchoires prédatrices, ce géant se nourrissait probablement de matière végétale. Sa taille exceptionnelle était rendue possible par le taux d’oxygène très élevé de l’atmosphère à cette époque.

Un témoignage de l’évolution des arthropodes

La découverte d’Arthropleura et d’autres fossiles de myriapodes géants nous éclaire sur l’histoire évolutive des arthropodes terrestres. Leur morphologie était déjà très proche de celle de leurs descendants modernes, preuve d’une efficacité biologique remarquable.

Avec le temps, la baisse de l’oxygène et les changements écologiques ont entraîné leur extinction, laissant place à des espèces plus petites, mieux adaptées aux nouveaux environnements. Mais leur héritage persiste aujourd’hui dans les forêts, les jardins et les grottes du monde entier.

Conclusion

Sous leurs multiples pattes et leur allure discrète, les myriapodes cachent un monde fascinant de diversité, d’adaptations et d’importance écologique. Souvent mal compris ou redoutés, ils sont pourtant des acteurs-clés des sols vivants, aussi anciens qu’essentiels.

Que ce soit en recyclant la matière organique, en nourrissant d’autres espèces, ou en rappelant l’existence de géants disparus, les myriapodes méritent d’être mieux connus et protégés. 

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