Ils mesurent moins de 15 cm, vivent dans des terriers de mygales abandonnés, et étaient considérés comme éteints jusqu’à leur redécouverte dans l’estomac d’un serpent. Le lézard à langue bleue pygmée d’Australie résiste aujourd’hui à sa manière au réchauffement climatique.
Mais une récente étude révèle que cette espèce miniature, pourtant soumise à des conditions extrêmes, met du temps à s’adapter à son nouvel environnement. Et cela remet en question une stratégie clé : la translocation comme solution au dérèglement climatique.
Une espèce menacée, sauvée in extremis
Endémique du sud de l’Australie, le lézard à langue bleue pygmée (Tiliqua adelaidensis) est classé en danger critique selon les législations fédérales et locales. Il avait disparu du radar scientifique pendant des décennies, avant d’être retrouvé en 1992 dans un contexte tragique : son corps logé dans les entrailles d’un serpent brun. C’est la preuve, certes macabre, que l’espèce existait encore.
Plus tard, une petite population est redécouverte à Burra, en Australie méridionale. Depuis, des efforts considérables sont menés pour éviter l’extinction de ce reptile discret. En 2020, 400 000 AUD ont été alloués à Flinders University pour renforcer les populations et anticiper l’impact des futures hausses de température.
Une translocation surveillée à la loupe
Anticipant l’inviabilité future de leurs habitats nordiques, les chercheurs ont tenté la translocation : déplacer des lézards vers des zones plus fraîches du sud. En 2021, 52 spécimens ont ainsi été introduits dans un nouvel environnement, où ils furent installés dans des terriers artificiels, surveillés par caméras et pesés régulièrement.
Les scientifiques espéraient que les lézards s’adapteraient rapidement à ces nouvelles conditions, parfois plus humides et plus froides que celles d’origine. Or, ce n’est pas ce qui s’est produit. Deux ans après leur réintroduction, les trois groupes étudiés montrent des réponses comportementales encore instables et très dépendantes de leur origine géographique.
🧠 À retenir – Malgré les contraintes climatiques pressantes, cette étude souligne que déplacer une espèce ne suffit pas : son rythme d’adaptation biologique peut compromettre les efforts de conservation accélérés.
Un comportement influencé par la latitude d’origine
Menée par Deanne Trewartha, doctorante à la Flinders University, l’étude met en lumière les limites physiologiques des lézards à langue bleue pygmée. « Nous avons constaté une acclimatation plus lente que prévu. À latitude différente, comportement différent », explique-t-elle. Si certains individus du sud testaient rapidement les nouvelles conditions, ceux du nord se montraient nettement plus prudents.
Ils ne sortaient de leur terrier qu’en présence de températures modérées, et uniquement si l’humidité du sol était adéquate. Une forme de « prudence écologique » qui pourrait être liée aux stratégies de survie dans leurs anciennes zones plus chaudes. Ce facteur rend leur intégration dans un nouveau biotope délicate, et fend l’idée que les reptiles s’ajustent plus facilement à leur environnement.
Des micro-habitats décisifs pour la survie
L’habitat naturel du lézard à langue bleue pygmée est un symbole de fragilité : il vit essentiellement dans d’anciens terriers de mygales dans les prairies indigènes. Ces micro-habitats lui offrent protection contre les prédateurs, régulation thermique et un point stratégique pour attendre ses proies de passage.
Mais avec l’intensification du changement climatique et l’urbanisation croissante de ces zones, la disponibilité de tels refuges diminue. Recréer artificiellement ces conditions de vie représente un défi pour les chercheurs, qui s’efforcent de maintenir l’équilibre entre conditions optimales et réalités du terrain. Si ces aménagements échouent, l’adaptation comportementale des lézards sera encore plus longue – voire impossible.
C’est là que se joue toute la complexité des programmes de conservation moderne : préserver une espèce ne consiste pas uniquement à déplacer des individus, mais à recréer les subtilités invisibles de leur mode de vie ancestral.
📝 Cet article est inspiré de la publication originale :
Pygmy Blue-tongue Lizards Take Longer to Acclimatize To Changing Temperatures