Saviez-vous qu’un tiers des espèces d’amphibiens est aujourd’hui menacé d’extinction selon l’UICN ?
Ces créatures souvent discrètes, capables de vivre à la fois dans l’eau et sur la terre, sont pourtant des piliers silencieux de nos écosystèmes. Grenouilles, tritons, salamandres…
Leur mode de vie à double facette fascine autant qu’il alerte. Alors que leur disparition s’accélère partout dans le monde, il est plus que jamais temps de les (re)découvrir et de comprendre leur rôle fondamental dans la nature.
Qu’est-ce qu’un amphibien ? Comprendre leur nature unique
Une définition simple mais précise
Le mot « amphibien » vient du grec amphi (des deux côtés) et bios (la vie), ce qui signifie littéralement « double vie ». En effet, les amphibiens vivent une partie de leur existence dans l’eau, et une autre sur la terre ferme.
Ils font partie des vertébrés tétrapodes, ce qui signifie qu’ils possèdent une colonne vertébrale et quatre membres (à l’exception de quelques espèces comme les cécilies, qui sont apodes). Ce groupe regroupe aujourd’hui trois grands ordres :
- Les anoures : grenouilles et crapauds
- Les urodèles : tritons et salamandres
- Les gymnophiones : cécilies, animaux fouisseurs souvent méconnus
Leur particularité réside aussi dans leur cycle de vie : ils naissent généralement sous forme de larves aquatiques (comme les têtards), puis subissent une métamorphose pour devenir adultes terrestres ou semi-terrestres.
Les grandes caractéristiques des amphibiens
Les amphibiens possèdent une peau fine, nue, souvent humide et couverte de glandes. Cette peau est semi-perméable, ce qui leur permet de respirer à travers elle. C’est pourquoi ils sont très sensibles à la pollution de l’air et de l’eau.
Ils sont ectothermes, c’est-à-dire que leur température corporelle dépend de leur environnement. Ce fonctionnement influence fortement leur comportement : ils hibernent, cherchent l’humidité, et évitent les expositions prolongées au soleil.
Enfin, les amphibiens possèdent un mode de reproduction très dépendant de l’eau. La plupart pondent leurs œufs dans des mares ou des rivières. Ces œufs sont dépourvus de coquille, donc très sensibles à la déshydratation ou aux polluants.

Les principales espèces d’amphibiens dans le monde
Grenouilles, crapauds, salamandres et cécilies
Les anoures (grenouilles et crapauds) constituent l’ordre le plus diversifié : on compte plus de 6 000 espèces dans le monde. Leur morphologie est adaptée aux sauts, avec de longues pattes postérieures. Ils émettent également des chants variés, notamment durant la reproduction.
Les urodèles (tritons, salamandres) sont souvent méconnus. Leur corps allongé, leur queue, et leur locomotion ondulante rappellent les lézards, mais ils possèdent des caractéristiques spécifiques comme la régénération de leurs membres.
Les gymnophiones, ou cécilies, sont des amphibiens sans pattes, vivant souvent sous terre, principalement dans les zones tropicales humides. Leur corps annelé leur donne l’apparence d’un ver ou d’un serpent.
Quelques espèces étonnantes à connaître
- L’axolotl (Mexique) : il conserve sa forme larvaire toute sa vie (néoténie), et possède une capacité de régénération exceptionnelle.
- La grenouille de verre (Amérique centrale) : sa peau transparente laisse voir ses organes internes.
- Le crapaud accoucheur (Europe) : le mâle porte les œufs enroulés autour de ses pattes arrière jusqu’à l’éclosion.
- La salamandre géante de Chine (Andrias davidianus) : c’est le plus grand amphibien du monde, pouvant dépasser 1,5 mètre.
Un rôle écologique majeur, mais souvent sous-estimé
Sentinelles de l’environnement
Les amphibiens sont des bioindicateurs d’une redoutable efficacité. Leur peau perméable les rend très sensibles aux perturbations de l’environnement, qu’il s’agisse de pesticides, de métaux lourds, ou de changements de température.
C’est pourquoi leur présence (ou leur disparition) est souvent un signal d’alerte écologique. En France comme ailleurs, les scientifiques les surveillent de près : une baisse soudaine de population peut indiquer une pollution, un déséquilibre écologique ou une propagation de maladie.
D’ailleurs, de nombreux programmes de veille environnementale (comme ceux menés par les parcs naturels régionaux ou le Muséum national d’Histoire naturelle) intègrent les amphibiens dans leurs protocoles de suivi de la biodiversité.
Une place clé dans la chaîne alimentaire
Au cœur des écosystèmes aquatiques et terrestres, les amphibiens jouent un double rôle vital. En tant que prédateurs, ils régulent les populations d’insectes, dont certains sont porteurs de maladies (comme les moustiques vecteurs de la dengue ou du paludisme).
En tant que proies, ils constituent une source de nourriture essentielle pour de nombreux animaux : oiseaux, serpents, mammifères, poissons… Un effondrement de leurs populations entraîne donc des effets en cascade sur toute la chaîne alimentaire.
Des espèces en danger : menaces et extinctions massives
Pollution, climat et maladies émergentes
Depuis les années 1980, on assiste à un déclin massif des amphibiens à l’échelle mondiale. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime qu’environ 40 % des espèces sont aujourd’hui menacées d’extinction.
Les causes sont multiples :
- La destruction des habitats humides (drainage de zones marécageuses, urbanisation)
- La pollution de l’eau (nitrates, pesticides, plastiques)
- Le changement climatique, qui modifie les cycles de reproduction et assèche les points d’eau
- La chytridiomycose, une maladie fongique dévastatrice causée par Batrachochytrium dendrobatidis, qui ravage les populations à travers le globe
Certaines régions tropicales ont déjà vu disparaître plusieurs espèces en moins de dix ans, notamment en Amérique centrale et en Australie.
Que nous apprend leur déclin ?
Le déclin rapide des amphibiens est un symptôme alarmant de l’effondrement global de la biodiversité. Ces espèces, pourtant résilientes sur des millions d’années d’évolution, cèdent aujourd’hui face aux pressions humaines en quelques décennies.
Cela soulève une question plus large : si ces animaux, si anciens et si adaptables, disparaissent, qu’en est-il des autres ? Leur sort nous interpelle sur la santé de notre planète, sur notre modèle de développement, et sur notre responsabilité en tant qu’espèce dominante.
Protéger les amphibiens : initiatives et gestes simples
Programmes de conservation et de suivi
Partout dans le monde, des programmes ont vu le jour pour tenter de freiner l’érosion des populations d’amphibiens. En France, par exemple, l’ONF, la LPO, Bretagne Vivante ou encore la Société Herpétologique de France participent à des recensements, des sauvetages de migrations et à la restauration de mares.
À l’international, des organisations comme l’Amphibian Survival Alliance ou le PNUE soutiennent des programmes d’élevage en captivité (notamment pour les espèces en danger critique comme l’axolotl) et la réintroduction dans des zones protégées.
Des outils comme la Liste rouge de l’UICN permettent aussi de prioriser les actions de conservation en fonction du degré de menace.
Comment chacun peut agir au quotidien
La bonne nouvelle, c’est que même à notre échelle, on peut aider les amphibiens :
- Préserver ou créer une mare dans son jardin (avec des berges douces, sans poissons)
- Éviter l’usage de pesticides et de désherbants chimiques
- Installer des abris naturels : tas de feuilles, vieux bois, zones humides
- Participer à des opérations de sauvetage durant la migration printanière
- Signaler les observations d’amphibiens aux associations locales pour nourrir les bases de données naturalistes
En reconnectant nos espaces de vie avec la nature, on permet à ces espèces de retrouver les chemins de l’eau et de continuer leur étrange et précieuse double vie.
Conclusion
Les amphibiens ne sont pas que de curieux animaux glissants que l’on croise rarement : ils sont les témoins silencieux de l’état de notre environnement. Leur double vie, entre eau et terre, les rend fascinants mais aussi extrêmement vulnérables.
Chaque grenouille, chaque salamandre, chaque crapaud qui disparaît est un signal que la nature nous envoie.