
La nature n’a pas fini de nous surprendre. Certains animaux déjouent les lois de la reproduction que nous pensions universelles. C’est le cas d’un petit gecko mystérieux qui peuple les îles du Pacifique, sans jamais avoir besoin d’un mâle.
Cet incroyable reptile, bien que quasiment inconnu du grand public, possède un “superpouvoir” biologique fascinant : il clone littéralement sa propre descendance. Plongée dans un phénomène naturel rarissime, entre science, mystère et évolution.
Un gecko voyageur qui conquiert les îles… sans partenaire
Le gecko pleureur, ou mourning gecko (Lepidodactylus lugubris), possède une particularité qui défie les règles classiques de la reproduction animale. Originaire d’Asie du Sud-Est et de Nouvelle-Guinée, cette petite espèce a envahi de nombreux territoires insulaires du Pacifique sans l’aide des mâles.
Comment est-ce possible ? Sa reproduction est entièrement assurée par les femelles. Ce phénomène rare, nommé parthénogenèse, permet à ces reptiles de pondre des œufs viables sans jamais avoir été fécondés.
Résultat : une seule femelle échouée sur un bout de rocher isolé peut, en quelques mois, y fonder une nouvelle colonie. Leur peau épaisse et leurs œufs résistants à l’eau salée leur permettent de survivre aux grands voyages océaniques… parfois accrochés à des débris ou transportés sur des bateaux humains.
Quand la nature autorise le clonage : le mystère de la parthénogenèse
La parthénogenèse est un mode de reproduction exceptionnel chez un vertébré — plus courant chez les insectes comme les abeilles ou les pucerons. Chez le gecko pleureur, il s’agit même d’une parthénogenèse dite « obligatoire » : il n’y a quasi plus de mâles viables dans l’espèce.
Les bébés nés d’une mère unique portent son code génétique complet. Pas un mélange, pas une variation, mais un véritable clone.
Cela est rendu possible grâce à un mécanisme appelé « automixie » : une cellule génétique fusionne avec une autre dans le corps de la femelle. Elle s’auto-féconde en quelque sorte, sans intervention extérieure.
Ce mode de reproduction, longtemps vu comme archaïque, pourrait être une adaptation géniale aux environnements extrêmes, désertiques et isolés, comme les îles volcaniques où toute tentative de reproduction traditionnelle serait vouée à l’échec.
🧠 À retenir – La parthénogenèse permet à ces geckos de survivre et s’étendre même lorsqu’ils sont seuls. Mais elle comporte un gros revers : les clones sont génétiquement identiques. Une menace (virus, changement climatique) peut décimer toute la population sans exception.
Une invasion silencieuse… et une stratégie reproductrice redoutable
Sans dépendre des saisons, une femelle mature pond tous les 4 à 6 semaines un ou deux œufs. Elle choisit des nids déjà occupés, y dépose ses œufs… puis s’en va. Pas de soins maternels, pas de phase d’attente.
Dans ces conditions, une population peut se multiplier très rapidement. Une seule fondatrice suffit à peupler un territoire — un avantage énorme en biologie évolutive.
Ce rythme effréné et leur grande tolérance écologique expliquent pourquoi ces geckos se sont installés dans tant d’îles : Polynésie, Hawaï, Fidji, voire certaines serres tropicales européennes. On les retrouve aujourd’hui aussi en captivité, car ils se reproduisent bien en vivarium.
Mais cette vie sans mâle ne se fait pas sans tensions. Chez les femelles, une hiérarchie s’installe. Les dominantes n’hésitent pas à montrer leur supériorité par des morsures ou des attitudes agressives. La sélection naturelle se joue d’une autre façon.
Une génétique figée, mais des hybrides possibles ?
Ce clonage perpétuel a un prix : une très faible diversité génétique. Cela rend les mourning geckos vulnérables si leur environnement change [température, maladie, pollution].
Mais un phénomène inattendu intrigue les scientifiques : certaines femelles auraient été observées en train de tenter de s’accoupler avec des mâles… d’une autre espèce du même genre (Lepidodactylus). Ces unions, rares, pourraient donner lieu à des hybrides.
Si cela était confirmé, cela signifierait qu’après des générations de clones, la nature chercherait à réintroduire de la diversité génétique par ce biais. Une stratégie d’évolution improbable, mais fascinante.
Les laboratoires s’intéressent d’ailleurs de très près aux geckos pleureurs, notamment pour étudier les mécanismes de développement embryonnaire, de clonage, et les limites génétiques d’une reproduction sans sexualité.
📝 Cet article est inspiré de la publication originale :
This Female Lizard Can Lays Eggs, No Mating Required