Selon une étude publiée par l’Université de Leipzig en 2025, près de 70 % des jeunes tortues en captivité présentent des carences nutritionnelles dès leurs premiers mois de vie. L’origine du problème ? Une alimentation inadaptée, souvent bien intentionnée, mais mal informée. Voici comment l’éviter.
Comprendre les besoins nutritionnels d’une tortue juvénile
Des besoins très différents de ceux d’un adulte
Une tortue juvénile n’a pas les mêmes exigences qu’un adulte. En pleine croissance, son organisme réclame un régime riche en calcium, en fibres végétales et en eau, avec très peu de matières grasses.
L’erreur fréquente est de calquer l’alimentation d’une tortue adulte sur celle d’un juvénile, ce qui peut provoquer des troubles osseux irréversibles comme la MBD (Maladie Métabolique Osseuse). À ce stade, chaque carence pèse lourd dans le développement de la carapace, des membres et du système immunitaire.
Pour une espèce terrestre comme la tortue d’Hermann, il faut viser 90 % de végétaux riches en calcium (pissenlit, plantain, trèfle, ortie) et éviter les aliments pauvres sur le plan nutritif comme la laitue iceberg ou la tomate.
L’équilibre calcium/phosphore : une clé vitale pour sa croissance
Le ratio calcium/phosphore est le pilier de la croissance osseuse. Il doit toujours être supérieur à 2:1. Trop de phosphore (présent notamment dans les fruits, les céréales ou certains légumes comme les épinards) bloque l’absorption du calcium.
Résultat : malformation de la carapace, ramollissement des os, boiterie… Ces conséquences sont souvent irréversibles si l’alimentation n’est pas corrigée à temps.
L’ajout de poudre de calcium (sans phosphore) sur les repas, combiné à une exposition UVB quotidienne, permet d’assurer une assimilation optimale.
Les vitamines essentielles au développement osseux et immunitaire
Outre le calcium, les tortues juvéniles ont besoin de vitamines A, D3 et E pour renforcer leur système immunitaire, prévenir les infections oculaires et faciliter la croissance.
Ces vitamines se trouvent dans :
- Les végétaux verts foncés (vitamine A)
- Les UVB (synthèse de la D3)
- Les compléments spécifiques (en cas de carence avérée)
Mais attention : un excès de vitamine A peut s’avérer toxique. L’équilibre passe donc par la diversité des végétaux offerts et une lumière UVB de qualité, indispensable en captivité.
Les erreurs alimentaires les plus fréquentes (et leurs conséquences)
Donner trop de fruits ou d’aliments sucrés
Les fruits sont appréciés des tortues mais doivent rester exceptionnels. Ils contiennent trop de sucres rapides qui perturbent la flore intestinale et créent un terrain favorable aux parasites internes.
Donner de la fraise, de la banane ou du melon à une tortue juvénile plusieurs fois par semaine déséquilibre gravement son métabolisme. Ces aliments doivent représenter moins de 5 % de l’alimentation, uniquement en guise de récompense.
Les tortues, en milieu naturel, n’ont pas accès à une abondance de fruits : leur système digestif n’est pas fait pour les digérer régulièrement.
Inclure des protéines animales ou aliments pour chiens/chats
Cette erreur est encore trop fréquente. Pensant bien faire, certains propriétaires donnent de la pâtée, du jambon ou du fromage. Résultat : excès de protéines, surcharge rénale, croissance trop rapide et carapace déformée.
Selon Virbac (2025), les aliments pour chiens et chats sont totalement inadaptés aux reptiles herbivores. Ils contiennent trop de phosphore, de protéines et de graisses.
Même pour les espèces omnivores, comme certaines aquatiques, les protéines animales doivent être strictement contrôlées et adaptées à l’espèce concernée.
Oublier la complémentation en calcium et UVB
Une tortue juvénile a besoin de calcium en continu et d’un éclairage UVB fiable pour synthétiser la vitamine D3.
L’absence d’UVB ou l’utilisation d’ampoules inadaptées entraîne des troubles sévères du métabolisme osseux. Quant au calcium, il doit être saupoudré sur les végétaux 3 à 4 fois par semaine minimum.
Sans ces deux piliers, la croissance de la tortue est compromise, et des pathologies graves peuvent apparaître dès les premiers mois.
🧠 À retenir
Les erreurs alimentaires chez les tortues juvéniles sont souvent invisibles… jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Trop de fruits, des aliments inadaptés ou un mauvais ratio calcium/phosphore peuvent entraîner des malformations irréversibles. La clé réside dans un régime 90 % végétal, riche en calcium et appuyé par des UVB de qualité.
Les aliments à bannir absolument de son régime
Les aliments humains toxiques ou inadaptés
Il est tentant de partager son repas avec son animal, mais certains aliments courants sont dangereux voire toxiques pour une tortue.
Parmi les interdits formels :
- Pain, pâtes, riz : trop de glucides
- Produits laitiers : mal digérés, causent des troubles intestinaux
- Viandes, œufs, poissons : trop de protéines
- Restes de table : déséquilibrés et souvent salés
Ces aliments sont à proscrire à 100 %, quelle que soit l’espèce de tortue. Même en petite quantité, ils déséquilibrent le microbiote intestinal et nuisent à long terme.
Les végétaux déconseillés (laitue, épinards, rhubarbe…)
Tous les végétaux ne se valent pas. Certains sont pauvres en nutriments ou contiennent des substances anti-nutritionnelles.
Évitez systématiquement :
- Laitue iceberg : 95 % d’eau, peu d’intérêt nutritif
- Épinards, blettes, betteraves : riches en oxalates qui fixent le calcium
- Rhubarbe : toxique pour le foie
À la place, privilégiez des plantes riches et adaptées comme le pissenlit, le trèfle, le mouron blanc, ou le pourpier.
Une tortue nourrie exclusivement avec des “salades du commerce” est une tortue carencée à coup sûr.
Les erreurs liées à la taille ou à la forme des aliments
Une erreur peu connue mais fréquente concerne la taille des morceaux. Une tortue juvénile peut s’étouffer avec des feuilles entières, surtout si elles sont épaisses.
Adoptez de bonnes pratiques :
- Coupez les végétaux en morceaux adaptés à la taille de la gueule
- Évitez les morceaux trop longs ou filandreux
- Ne laissez pas pourrir la nourriture dans le terrarium
L’hygiène et la présentation des repas sont essentielles pour éviter les fermentations, moisissures et accidents digestifs.
Bonnes pratiques pour une alimentation équilibrée et adaptée
Exemples de menus types selon l’âge et la saison
Adapter l’alimentation au rythme naturel de la tortue est essentiel. En été, elle mange plus ; en automne, elle prépare l’hibernation.
Exemple de menu hebdomadaire type pour une tortue juvénile de 6 mois :
- Lundi à jeudi : pissenlit, plantain, trèfle (saupoudré de calcium)
- Vendredi : laiteron, ortie blanchie, fleurs de mauve
- Samedi : mélange varié + micro-portion de fruit (ex. fraise)
- Dimanche : jeûne ou repas très léger
La diversité est la meilleure garantie contre les carences.
Fréquence, quantités et hydratation : les bons repères
Contrairement à l’idée reçue, une tortue ne doit pas manger à volonté.
Recommandations :
- 1 repas par jour, 6 jours sur 7
- Quantité = la taille de la carapace (vue de dessus)
- Eau toujours disponible (coupelle peu profonde)
Baigner sa tortue 1 à 2 fois par semaine pendant 10-15 minutes dans de l’eau tiède permet aussi une bonne hydratation et favorise l’élimination des déchets.
Adapter l’alimentation à l’espèce : Hermann, Graeca, Boettgeri…
Chaque espèce a ses préférences et ses besoins :
- Hermann (Testudo hermanni) : strictement herbivore
- Graeca (Testudo graeca) : plus sensible aux carences
- Boettgeri : besoin accru d’UVB en croissance
Informez-vous précisément sur l’origine et le mode de vie naturel de votre tortue pour ajuster son régime au plus proche du réel. C’est l’un des meilleurs moyens d’augmenter son espérance de vie et sa vitalité.
🧠 À retenir
Un bon régime alimentaire pour tortue juvénile repose sur trois piliers : diversité des végétaux riches, rigueur dans l’équilibre calcium/phosphore, et adaptation à l’espèce. Des menus variés et maîtrisés, avec une hydratation régulière, garantissent une croissance saine et sans carences.
Notre dernier mot
Nourrir une tortue juvénile ne s’improvise pas. Une erreur répétée, même minime, peut compromettre sa croissance pour toujours. En vous informant, en variant ses repas et en respectant ses besoins spécifiques, vous offrez à votre tortue une base solide pour vivre longtemps et en pleine santé. Rien de plus gratifiant.